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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 22:30

Il y a vingt ans que j'ai quitté le Nord. J'ai vécu depuis dans des endroits merveilleux. J'ai eu ma chambre dans une maison edwardienne de Dun Laoghaire, banlieue sud de Dublin, et cette chambre était froide et humide et je la partageais avec une fille qui ne m'aimait plus -mais je n'avais que trois pas à faire pour arriver au pub, à la jetée sur la mer d'Irlande ou au bus qui m'emmenait en Ulster et dans le Donegal. J'ai logé via di Santo Spirito, dans l'Oltrarno, et marchant dans les rues de Florence je me sentais pardonné de mes petitesses comme un pécheur par le Christ. Quelques mois j'ai été accueilli dans un studio au cinquième étage de la rue du Val-de-Grâce ; amoureux de nouveau, de nouveau étudiant, je passais mon temps entre notre lit, le clavier de mon ordinateur et la fenêtre d'où j'observais le contraste étonnant de la coupole majestueuse avec la vie quotidienne des Parisiens. J'étais alors, parfaitement heureux.  

Et pourtant, il n'y a que là-bas que j'éprouve ce sentiment étrange, réconfortant et vaguement régressif, d'être chez moi. C'est évidemment parce que toute ma famille vit entre Bruxelles et le Pas-de-Calais, que j'y ai passé toute mon enfance et mon adolescence ; mais il y a plus que ces attaches avec une mère ou une soeur bien aimées, avec les premières années de ma vie. C'est en effet comme si les murs, le ciel, le peuple étaient de ma famille. J'ai peu d'affinités avec les individus, malgré la gentillesse désarmante de beaucoup d'entre eux. Je ne suis pas des plus doués pour les exercices sociaux et je dois souvent passer pour fier, comme on dit là-haut. Mais pris dans leur masse j'aime ces gens, et je me sens lié à eux (ce qui m'est d'autant plus facile qu'il n'y a encore là-bas pratiquement aucune diversité visible : les trois quarts des enfants sont blonds). 

Le carillon du beffroi de Béthune. Les pavés. La triple carmélite. La baraque à frites et à fricandelles de la place de la République. La foire à jeunes gens. La puissante odeur de fécule de pomme de terre qui accueille ceux qui viennent par le Beau marais. Le collège George Sand, aussi laid et apparemment vétuste qu'à l'époque où j'y étais élève. Les fenêtres dont l'appui intérieur est décoré d'objets posés là comme pour une modeste exposition. Les voitures tunées. La grisaille qui explose parfois en gros nuages cotonneux offrant capricieusement leurs trois minutes de lumière coupante. Le stade où j'excellais au triple saut (tout jeu de mot serait facile). Les boulangeries où l'on trouve des congolais, des palets de dame et du platzek. Le cinéma fermé depuis vingt ans.

C'est là que mon père est mort, aussi ; j'étais à ses côtés.

 

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commentaires

K
<br /> <br /> moive , j'ai été élevé à valenciennes et j'en suis parti à 8ans<br /> <br /> <br /> pour d'autres cieux<br /> <br /> <br /> plus ensoleillés<br /> <br /> <br /> bref<br /> <br /> <br /> un bref billet sur les terrils et les canaux?<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Non, mais sur la mer du Nord (voyez "Fête des morts").<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> ha ha....<br /> <br /> <br /> une pâte au chocolat , épaisse , plus ou moins glacée , crue , fortement calorique , nappée d'une crème anglaise bien diluée , dans laquelle le jaune d'oeuf passe au deuxième plan , loin derrière<br /> la vanille<br /> <br /> <br /> on se ressert....deux fois , trois fois !<br /> <br /> <br /> ou plus....<br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> ha.....<br /> <br /> <br /> j'aurais cru que c'était l'autre nom de la "tête de n'haîgre" pâtisserie très sucrée avec du chocolat dedans<br /> <br /> <br /> encore un truc qui a foutu le camp....<br /> <br /> <br /> depuis la fin du 19éme siècle , le patrimoine pâtissier s'appauvri .....quasiment plus de diplomate, ni de nègre en chemise et encore moins de baba au rhum ( et pourtant c'était le dessert<br /> préféré de balzac et de dumas )<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Vous charriez un peu, tout de même. Je n'ai personnellement aucun mal à trouver dans les boulangeries-pâtisseries de par chez moi la tête de nègre (rebaptisée il est vrai "merveilleux"), le<br /> diplomate ou le baba. Par contre j'ignore ce qu'est un nègre en chemise.<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> qu'appelez vous des congolais ?<br /> <br /> <br /> enfin , en patisserie ...<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> C'est une pâtisserie très sucrée à base de noix de coco râpée.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> bonjour,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> merci pour ce beau billet et les photos. pour moi qui connait un peu le nord, ça donne envie d'y retourner.<br /> <br /> <br /> Au risque de casser la poésie et le mystère, pour les béotiens qui ont comme moi buté sur plazek, voici la recette : c'est une sorte de brioche avec un "crumble" dessus, non ?<br /> <br /> <br /> http://sundaylunchbourg.canalblog.com/archives/2007/02/03/3584621.html<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Le platzek qu'on peut trouver dans les boulangeries du Nord est une version très édulcorée de la pâtisserie polonaise du même nom : une pâte<br /> fourrée de compote et semée à la surface de gros cristaux de cassonade. Quand j'étais petit, ma grand-mère nous en servait un où la pâte n'était pas fourrée et où, en plus, elle était plate et<br /> dure comme un vieux pneu ; mais on savourait d'autant mieux les gros cristaux de sucre qui nous faisaient guiler, comme on dit dins ch'Pôs-de-Calais...<br /> <br /> <br /> <br />